Quelles stratégies pour lutter contre le coronavirus Covid-19 au Cameroun

l’enjeu actuel au Cameroun et dans la plupart des pays africains dans la lutte contre la pandémie du Coronavirus Covid-19, demeure la crainte de voir le nombre de décès évoluer de façon exponentielle et ses répercussions socio-économiques que plusieurs analystes annoncent catastrophiques. Quelles mesures stratégiques à adopter pour déjouer ces pronostics ?


Il y’a deux semaines de cela, on enregistrait dans mon quartier le premier cas détecté positif au Covid-19. Même si l’état de psychose a gagné une grande partie du voisinage qui prend enfin conscience de la réalité de ce virus, les habitudes, elles, ont paradoxalement très peu changé jusqu’à ce jour. Nombreux sont ceux de mes voisins qui ne se voient pas renoncer à leurs principales sources de revenues garantissant leur survie dans un contexte camerounais précaire, du fait des crises sécuritaires que connaissent les régions Nord, Nord-Ouest et Sud-Ouest. 

Ceci dit, si le nombre de décès liés au coronavirus reste très inférieur comparativement aux chiffres enregistrés par l’Occident, l’enjeu actuel au Cameroun et dans la plupart des pays africains, demeure la crainte de voir ce nombre évoluer de manière exponentielle et ses répercussions socio-économiques qui sont annoncées catastrophiques, éventuellement liées à une mauvaise gestion gouvernementale et à la situation de paupérisation dans laquelle se trouve les populations africaines. 


En effet, depuis l’apparition des premiers cas de coronavirus en Afrique, plusieurs États par l’adoption de mesures préventives, se sont mobilisés pour limiter le phénomène pandémie sur leur territoire. Au Cameroun, force est de constater que le gouvernement tente d’implémenter des stratégies-barrières parfois contestées au sein de l’opinion publique ; car il aurait été souhaité qu’un protocole d’urgence soit décrété et mis en œuvre un peu plus tôt [1]. Toutefois, face à la menace que représente le coronavirus, le temps présent impose une réflexion profonde sur la meilleure stratégie à adopter dans les brefs délais.  

Empruntée au jargon militaire dans lequel elle fait référence à la tactique d’attaque ou de défense lors d’une bataille, la stratégie dans sa version contemporaine se définit comme un élément fondamental du management qui consiste à déterminer les objectifs et les moyens pour les atteindre. En d’autres termes, une stratégie suppose à la fois un but fixé et un plan d’action. Dans le cadre de la gouvernance politique, celle-ci s’élabore dans un contexte d’incertitudes et de complexité aux fins d’assurer la sécurité des populations. Dans cet optique, face à la menace que représente le covid-19, une stratégie efficace et consensuelle, impliquant une multiplicité d’acteurs qui se déploieraient de manière coordonnée et concertée pour une plus grande efficacité, devrait s’opérer tant dans l’espace national qu’international. 

I- Confinement total vs Confinement facultatif


S’il est bien un sujet qui divise la plupart des internautes camerounais ces jours, c’est le confinement obligatoire ; puisque jusqu’à présent, les autorités camerounaises n’ont pas opté pour une telle mesure, au grand dam de plusieurs personnes qui demeurent convaincues de son efficacité afin de limiter la propagation du virus. Cette solution impliquerait entre autres, la cessation totale de toutes les activités pourvoyeuses de revenus pour des millions de famille disposant à peine de quoi épargner ; et l’impératif pour les populations de rester chez soi parfois sans eau ni électricité, ou encore sans pouvoir sortir pour se procurer de l’eau potable. 

Dans cette logique, la problématique de l’efficacité de cette mesure ne résiderait plus sur sa capacité à endiguer la propagation du virus, mais sur la probabilité de cette dernière d’engendrer d’autres problèmes sociaux, sécuritaires et sanitaires, pouvant dépasser la gestion gouvernementale ; du fait notamment de l’apparition de graves frustrations. Car Si dans les pays comme la France, les mesures de confinement « total » prises sont difficiles à respecter malgré toutes les dispositions d’accompagnement associées, envisager son efficacité dans un pays où 70% de la population vit de l’économie informelle dans un besoin permanent d’eau potable, serait naïvement prétentieux. 

Néanmoins, sans pour autant prêcher un statut quo sur les différentes mesures déjà adoptées par les autorités gouvernementales, la nécessité de réagir efficacement doit nous conduire vers le choix d’une stratégie optimale dans la lutte contre cette pandémie ; ce à quoi nous renvoie l’exemple de la Corée du Sud[2], qui depuis l’apparition du premier cas de Covid-19 dans le pays, a vu ses autorités imposer le port systématique de masques par tous ; ainsi que la mise en place de campagnes de dépistages massifs (100 000 tests par semaine) suivies de descentes de désinfection des espaces publics. 

Par ailleurs, avec l’appui des entreprises de télécommunications, ce pays a misé sur les mesures de géolocalisation des personnes contaminés et des campagnes de communication permanentes via des push SMS informant les citoyens fréquemment de la présence d’une personne à risque dans une zone particulière. 

Toutefois, cette méthode demandant un plus grand investissement en termes de ressources humaines, financières et en infrastructures; ses probabilités de réussite dans le contexte Camerounais, reposerait sur une discipline totale des populations et la déconcentration des dépenses publiques pour faciliter l’augmentation du personnel médical, ainsi que le renouvellement des équipements de santé. Cette méthode aurait ainsi le mérite d’écarter l’option d’arrêt total d'activités économiques et de renforcer le système sanitaire nationale notamment dans la prise en charge des malades et la prévention contre de futures épidémies. 

Pour ce faire, une révision de la loi des Finances 2020 permettant une ré-allocation du budget de l’État vers des domaines jugés prioritaires et urgents, constituerait un préambule. 


II- Mesures stratégiques multisectorielles à implémenter 


La pandémie qui sévit actuellement dans le monde, a permis à de nombreux concitoyens camerounais de découvrir l’existence de laboratoires spécialisés ayant des capacités suffisantes dans la fabrication de médicaments pour la demande nationale. A cet effet, l’initiative prise par les autorités d’ordonner la production de la chloroquine démontre l’importance d’accorder une plus grande attention doublée d’un accompagnement de ressources conséquent dans les protocoles de recherche clinique ; ceci de manière à anticiper les éventuelles menaces à la sécurité sanitaire. Bien plus, cela nous conduit vers la problématique de la circulation des médicaments contrefaits de Chloroquine ; remettant ainsi à jour la nécessité d’apporter des réponses concrètes dans la lutte contre la commercialisation de médicaments contrefaits en Afrique, quand on sait que plus de 42%[3] de produits médicaux de mauvaise qualité y provoque la mort de plus de 100 000 personnes par an. 

Sur le plan économique, dans le but de limiter l’ampleur des répercussions de la pandémie du coronavirus, il est nécessaire pour les autorités gouvernementales de prendre davantage des mesures capables d’assurer la mise sur marchés des denrées de première nécessité, tout en adoptant des mesures punitives contre les contrevenants jugés coupables d’inflation. 

Nos États étant profondément vulnérables aux chocs exogènes, le Covid-19 vient donner une opportunité certaine pour la production, la commercialisation et la vulgarisation des produits locaux. Afin de la saisir au mieux, s’impose la nécessité de recenser[4] les multiples producteurs locaux pour mettre en place des mécanismes d’accompagnement et d’encadrement dans la production et la commercialisation de leurs produits sur toute l’étendue du territoire national. A cet effet, le digital nous offrant de vastes opportunités est à considérer prioritairement par les autorités. La prise en compte rapide de l’agriculture et des métiers liés au digital est un gage de création de plus d’emploi ; l’enjeu de ce déploiement viserait à long terme, la réduction de notre dépendance aux produits importés ne répondant pas toujours aux normes internationales QHSE ainsi que la diversification de notre économie encore dépendante des exportations des hydrocarbures et du tourisme. 

Par ailleurs, s’agissant de mesures d’accompagnement financières, compte tenu de l’impact du Covid-19 sur les activités des entreprises, il serait certainement judicieux de réduire les impôts et les charges douanières et fiscales des entreprises dont les activités sont freinées ; Au travers d’un fond de soutien accordé, l’État pourrait subventionner les entreprises, les PME et les startups susceptibles de fermer ou de se déclarer en faillite pour cause de coronavirus. Tout en stimulant conjointement investissements et climat des affaires[5] Il importerait également d’envisager la suppression pour une période donnée, des charges patronales afin de soulager les employeurs ; et enfin dans de telles circonstances, il serait également souhaitable du côté des banques[6] de baisser les taux d’intérêts accordés pour revoir le plafond de refinancement des entreprises. 

Ministère des Finances du Cameroun


Pour une meilleure gestion de la crise dans les foyers, il serait adéquat de continuer d’une part de s’assurer du paiement salarial des employés et des cadres de la fonction publique ; et d’autre part à l’exemple du Rwanda, d’assurer la gratuité d’accès à l’eau et à l’énergie électrique pour une période donnée tout en favorisant les services médicaux gratuits aux plus vulnérables. 

Enfin, pour que toutes ces stratégies dans l’espace national portent des fruits probants, les initiatives de levées de fonds d’urgence et de solidarité sur le plan national et international sont à encourager tout comme des campagnes caritatives pour les populations les plus pauvres. Car en temps de crise marquée par l’imprévisibilité, les soutiens multiformes sont indispensables pour endiguer le phénomène ; les besoins urgents au sein de la population défavorisée étant nombreux. 

De façon inédite en relations internationales, le Covid-19 met à nu l’incapacité des grandes puissances à réagir à temps contre d’éventuelles menaces à la sécurité. Ce virus démontre qu’il est impossible pour un État de faire individuellement face aux menaces sécuritaires auxquelles il est confronté. Dans de telles circonstances, la coopération se résume à un ensemble de règles et d’actions de solidarité conditionnant le comportement des différents acteurs des relations internationales ; à l’image des médecins chinois et cubains envoyés en Italie ou de Jack Mâ, fondateur d’Alibaba[7]. Il serait intéressant de voir la multiplication de telles « actions humanitaires et philanthropiques »[8] venant des grands hommes d’affaires africains. 


Le 23 mars, le président de la Banque Mondiale David Malpass annonçait que son institution allait offrir 14 milliards de dollars pour le financement de la riposte au covid-19, dont 8 milliards comme aide financière aux entreprises privées[9]. Sa suggestion aux créanciers bilatéraux et multilatéraux publics des pays pauvres, d’alléger leurs dettes et de suspendre tout remboursement, a été largement adoptée. La secrétaire exécutive de la Commission Economique pour l'Afrique, Vera Songwe considère de telles initiatives comme salutaires pour l’Afrique qui a besoin de 1000 milliards de dollars pour lutter contre la menace inattendue du coronavirus. 

La lutte non anticipée contre la pandémie du Covid-19 et ses répercussions sociopolitiques et économiques prouvent aux États africains la nécessité de mettre sur pied des appareils institutionnels locaux d’intelligence stratégique, dans le but d’anticiper et de prévenir dans une certaine mesure toute forme potentielle de menace à la sécurité humaine et de veiller dans une autre mesure au bien-être des populations ; tout en proposant des stratégies d’aide à la décision. 

Cependant, si l’État reste le principal acteur dans la lutte contre le Covid-19, il n’en demeure pas moins important que chaque individu, en tant que citoyen, reste l’élément clé donnant un sens à toute initiative prise dans le cadre national ou international. Ainsi si chacun d’entre nous se responsabilise et s’engage tout en pratiquant le confinement volontaire (Limiter les sorties et le contact avec l’extérieur), à respecter les mesures barrières ; le coronavirus pourra être rapidement éliminé et partant, ses effets néfastes seront amoindris. Aussi, protégeons-nous et protégeons les autres. 

#BloggersVsCovid19 

#Covid19blog 



[1]Dès le 25 janvier 2020, sur ma page Facebook Real Int' Afrik, j’invitais les décideurs africains à prendre des mesures restrictives aux niveaux des frontières https://www.facebook.com/REAL-INT-AFRIK-110972143716264/ 

[2] L’Allemagne et Taiwan ont copié l’exemple de la Corée du Sud. Aujourd’hui ces pays enregistrent un taux de décès relativement bas comparés à leurs voisins.
 
[3]OMS 

[4]Pour les services gouvernementaux en charge de l’économie. 

[5] En commençant par une redéfinition du cadre juridique y dédié. 

[6] À l’instar de l’initiative louable de la BEAC d’injecter 500 milliards de FCFA dans le système bancaire de la CEMAC pour assurer la stabilité monétaire et du système financier. 

[7] Jack Mâ a offert à chaque pays africain 20 000 kits de test, 100 000 masques et 100 équipements de protection dans la riposte contre le Covid-19 

[8] Gardons tout de même à l’esprit qu’en Relations Internationales, les actions humanitaires comme les dons d’aide au développement sont intéressés pour servir les objectifs de celui qui les fait. 

[9] La Banque Mondiale travaille en collaboration avec la Chine pour la fabrication et la livraison rapide d’un bon nombre de fournitures requises dans la lutte. Au cours des 15 prochains mois, la Banque Mondiale pourra déployer environ 150 milliards de dollars pour la relance de l’économie des pays les plus pauvres.

Commentaires

  1. Merci monsieur Donald pour cette analyse digeste. Tous les points de la société ont été énumérés a l'instar de l'agriculture qui mérite prendre une place primordiale dans le développement durable de ce pays mais surtout l'agroalimentaire.

    Aujourd'hui nous dépendons de l'extérieur parce-que nous ne transformons pas ce que nous produisons, c'est pour ça que la crise alimentaire nous fait peur

    Ce qui me revient en tête comme conséquence de cette crise , n'est il pas temps d'organiser, recadrer, discipliner le secteur informel ?

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    1. Je vous remercie.
      Reformer le secteur informel est indispensable et bénéfique pour les acteurs du secteur informel de l'économie et pour l'Etat. Cependant vu l'urgence de la lutte de la crise du coronavirus, il serait très difficile d'initier une reforme significative dans un tel contexte. Actuellement, par contre mener une étude profonde pour une future restructuration du secteur informel serait intéressant à mon avis.

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  2. Belle analyse . Cependant on espère que la planète ,le Cameroun en particulier saura gérer cette crise.

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