Cathédrale « Notre Dame de Paris » et la civilisation chrétienne en Europe




     Il était à peine 16 heures passée de 50 min (heure locale) ce 15 Avril 2019 veille de pâques, lorsque le monde assista de manière impuissante à l’incendie qui devait consumer les 2/3 de la charpente de la très célèbre cathédrale « Notre Dame » de Paris. Les interventions des personnalités mondiales et la consternation générale relayées dans les différents médias internationaux, traduisaient l’immense désarroi partagé par des millions de personnes à travers le monde. Pour ma part, j’avoue n’avoir pas saisi l’ampleur de la circonstance jusqu’à ce que cet incendie « accidentel » ne fasse l’objet d’attention particulière des chrétiens catholiques et des non chrétiens qui de manière spontanée, ont promis des dons financiers pour la reconstruction de cet édifice historique. 

       La première fois que j’ai entendu parler de cette cathédrale, c’était à travers le célèbre roman de l’écrivain Victor Hugo intitulé Notre Dame de Paris paru en 1831. Si mes souvenirs de lecture sont exacts, la cathédrale incarnait à la fois l’identité propre des habitants de Paris et le havre de protection pour l’amour unilatéral entre le personnage principal Quasimodo et la bohémienne Esméralda. C’est dire qu’au fil des décennies qu’elle est devenue un symbole d’un peuple uni de France, d’une patrie et d’une puissance européenne au sein de l’espace géographique mondial. Mais surtout elle représente les derniers vestiges d’une civilisation s’appuyant sur des fondements chrétiens, a marqué l’histoire, la culture, la politique et l’économie de l’Europe. 

      Dans cette logique, il coulait aisément de source que l’incendie de la cathédrale entraina beaucoup d’émoi et d’émotions chez les français et autres francophiles. D’autant plus encore qu’au delà de son caractère symbolique, la cathédrale avec ses 14 millions de visiteurs par an, rapportait des revenues non négligeables au trésor public français. Ainsi, plus qu’un sanctuaire spirituel chargé de rapprocher Dieu des hommes, ce symbole du christianisme était devenu non seulement l’un des meilleurs centres d’attraction du monde mais aussi un cadre de foisonnement des cultures et des croyances qui émergeaient dans la ville de Paris. Quoi de plus normal donc la spontanéité des institutions, des associations, des personnalités et hommes politiques dans la mobilisation pour la reconstruction de ce joyau architectural. 

     Cet incendie a relevé au monde, l’attachement qu’ont des millions de chrétiens ou non à cet héritage culturel inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO au même titre que les mausolées de Tombouctou au Mali détruites en 2012 par les islamistes radicaux. Bien que cette mobilisation massive ait suscité plusieurs débats sur les motivations réelles des promesses de contributions, elle aura eu le mérite de permettre la réévaluation de l’héritage de la civilisation européenne qui tire son essence du christianisme dont la cathédrale est l’un des principaux symboles. 

A- L’incendie de la cathédrale : symbole de la fin de l’influence du christianisme en Europe 

     Les jours ayant suivi l’incendie, une pléiade de déclarations meublait les émissions télévisées et radios. A cet effet, mon attention fut davantage attirée par les déclarations d’un politique français à une radio internationale, sur le fait que l’incendie de « Notre Dame » marquait la fin de la civilisation chrétienne pour l’émergence d’une civilisation post moderne en Europe. 

    En effet, pendant longtemps, la pensée commune qui prévalait au moyen âge en Europe était fortement influencée par les valeurs chrétiennes telles que la solidarité, l’amélioration de soi et du prochain, la justice, l’égalité, l’évangélisation, la tolérance, la liberté le communautarisme. L’idéologie chrétienne (dans sa diversité) a eu une place importante dans le processus de construction sociopolitique de l’Europe actuelle malgré la forte influence du judaïsme, de l’islam et des pensées philosophiques gréco-romaines. Elle a contribué au rayonnement et à la grandeur de certaines nations européennes. Même si certains de ses principes ont plus tard été utilisés abusivement pour légitimer la colonisation, l’inquisition, la croisade et l’antisémitisme. 

     Aujourd’hui, la puissance de l’Europe s’est considérablement affaiblie : L’Union Européenne est enclin à la division et aux luttes idéologiques. Elle peine à susciter l’adhésion d’une plus grande majorité des citoyens, le cas du Brexit, la crise de l’Euro depuis 2010, les politiques d’austérités drastiques adoptées dans plusieurs États, la montée continue des partis d’extrême droite, la crise des migrants, sont autant de signaux qui montrent que l’UE est au bord d’un gouffre. Elle perd du terrain dans les antagonismes géopolitiques mondiaux face à l’hégémonie géopolitique des USA, de la Chine et des nouveaux émergents du BRICS. On observe une véritable crise de l’identité suscitant l’unanimité ou du moins l’approbation d’une majorité conséquente. Il y’a longtemps le fondement chrétien de l’Europe a été abandonné pour laisser place à des logiques profitant à une minorité de personnes et répondant très peu aux aspirations des peuples. 

B- Le christianisme : identité spirituelle de l’Europe et vecteur de développement 


     Il est indéniable que l’incendie de ce monument hautement significatif est surchargé de sens. Bien qu’un incendie revête parfois des conséquences néfastes, il peut aussi avoir un caractère de purification à l’exemple de l’or éprouvé par le feu pour sa qualité. Ou encore Dieu s’est révélé à Moise dans un buisson ardent (Exode 3 : 1-10). Ceci afin de comprendre que ce sinistre dans des circonstances de crise de gilets jaunes, est une occasion pour les français et pour les européens de se réévaluer à la lumière de ce qui a constitué le fondement de l’État nation moderne, mettant l’Homme au centre de toute construction intellectuelle et toute action sociopolitique. Il doit leur rappeler que le christianisme, essence principale de leur civilisation, élément fédérateur des nations européennes des siècles passés, a été lésé pour ne plus être pris en compte dans l’élaboration des politiques publiques et la gestion de la société. Pour une Europe qui dispose d’une multitude de langues et d’histoires, le christianisme dans sa diversité (catholicisme, protestantisme, anglicanisme) est l’identité transnationale la plus partagée et reste le socle d’unification des peuples d’Europe. Son retour aux valeurs et normes chrétiennes, apparait alors comme vecteur essentiel de civilisation et de développement sur lequel l’UE devrait fonder sa vision sociopolitique. Car Il est urgent de rétablir un cadre moral et éthique qui remettra la dignité humaine au centre des préoccupations. 

     Pour ce faire, il serait également indispensable pour les églises chrétiennes de guérir de leurs problèmes internes liés aux divisions, à la pédophilie et au clientélisme. Parce que l’Église peut encore jouer un rôle de recadrage, de solidarisation, de pacification et d’émancipation des peuples, non pas dans une logique d’adaptation, mais dans l’impératif de marquer une rupture d’idéologie dans un monde qui tend à sombrer peu à peu dans l’obscurantisme religieux. Quoiqu’il en soit, sachant que la politique et la religion restent étroitement liées, le caractère séculier de la configuration sociopolitique de l’Europe ne doit pas supprimer le rôle primordial de la religion chrétienne dans un processus de désacralisation du politique pour un rapprochement entre les peuples et les dirigeants. 

Quelle leçon pour l’Afrique ?


     Au même titre que l’UE qui vit une crise latente, l’Union Africaine semble présenter des difficultés à construire une architecture sociopolitique africaine capable de stimuler le développement des États membres. Par conséquent, l’Afrique reste en proie à ses multiples problèmes internes qui posent un obstacle réel pour l’épanouissement de ses populations. Pourtant, suite à plusieurs travaux transversaux, beaucoup d’analystes s’accordent à dire que les pays africains partagent une même histoire, des cultures et langues similaires, en plus d’un commun héritage spirituel qui a d’une part structuré la pensée commune africaine et d’autre part fondé valeurs, normes et principes partagés sur la grande majorité des territoires africains. 

      Contrairement à ce que pense Samuel Huntington[1] dans son ouvrage The clash of civilizations and the Remaking of World Order, l’Afrique dispose d’une civilisation et d’une identité spirituo-culturelle façonnée par le choc de plusieurs influences idéologiques, dont le christianisme et ses valeurs[2] de même que d’autres idéologies théologiques et spirituelles. De ce fait, il est important pour les africains de se réapproprier les valeurs morales telles que la solidarité, la communication, la pacification, la justice et le respect (de soi, du prochain et de la nature). Pour une meilleure définition de la trajectoire de son développement futur, il est impératif de connaitre le fondement de son présent. Au risque de voir les efforts des bâtisseurs des États libres d’Afrique partir en fumée comme la charpente de la cathédrale « Notre Dame » de Paris. 


[1] Pensée émise dans son ouvrage The clash of civilizations and the Remaking of World Order, 1996, Simon & Schuster
[1] Il n’est pas question de culturaliser le Christianisme comme un héritage unique des européens. Nous pensons que le Christianisme est un héritage de plusieurs peuples du monde : Juifs, gréco-romains, africains, asiatiques et d’Amérique latine. D’ailleurs, plusieurs textes et écrits montrent que le Christianisme était pratiqué également dans certaine partie de l’Afrique et par conséquent, a aidé à structurer une identité propre aux Africains.

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