Une jeunesse numérique pour des actions citoyennes : la gouvernance par le bas.
Depuis quelques
semaines, un fait particulier sur le web camerounais attire mon
attention : la mobilisation des jeunes « android » pour veiller à une bonne organisation des élections
présidentielles 2018 et pour relayer des informations utiles sur les candidats
et leurs programmes politiques. Ce qui rend ce fait marquant, c’est que sa
remonte à très longtemps la dernière fois où j’ai vu des jeunes camerounais prendre
des initiatives personnelles pour contribuer à leur manière à la vie politique
surtout lors des élections dont les résultats sont réputés « connus d’avance ». Plusieurs
facteurs peuvent expliquer cette mobilisation, notamment une présence
croissante de jeunes africains sur les réseaux sociaux offrant l’anonymat, une
voix et une influence aux personnes jadis inconnues de la scène sociopolitique.
Cependant, en
analysant l’une des thématiques de la première édition de l’Université
Populaire de l’Engagement Citoyen (UPEC) qui a eu lieu à Dakar (Sénégal) du 23
juillet au 27 juillet 2018 : « Mouvements citoyens : Avenir de
la démocratie en Afrique », je suis parvenu à l’idée selon laquelle cette
implication grandissante des internautes camerounais dans la gouvernance est
l’émanation d’un désir de plus en plus manifeste des jeunes à prendre part à la
gestion de la cité via la promotion d’actions citoyennes pour une justice
sociale plus impartiale.
En Afrique
subsaharienne en effet, la formation de l’État indépendant tel que connu
aujourd’hui s’est opérée dans une réalité coloniale intégrée dans les comportements
des administrateurs, bien qu’il existait déjà des mouvements de revendications
des populations colonisées aspirant à plus d’autonomie et de libertés. Trente
ans plus tard, le constat a montré des insuffisances dans la bonne gouvernance
et dans la participation politique des populations. Il a fallu attendre le
Sommet de la Baule en 1990 pour voir les pays africains contraints à adopter la
démocratie pluraliste comme mode de gestion politique. Cette vague de
démocratisation a conduit les populations à s’impliquer progressivement dans
l’administration de leurs territoires.
A cet effet,
désignant l'ensemble des mesures, des règles, des organes de décision,
d'information et de surveillance qui permettent d'assurer le bon fonctionnement
et le contrôle d'un État, la gouvernance met en avant la responsabilité
principale de l’État qui possède une autorité conférée par les gouvernés, lui
accordant un capital confiance dans la préservation, la protection et la
garantie de leurs intérêts, leurs droits et leurs biens. C’est donc un pré
requis pour l’épanouissement et le développement des individus.
Pourtant, dans plusieurs États africains, le déploiement étatique s’écartant de l’objectif recherché de l’intérêt général, et le comportement parfois « délinquant » de l’État ont poussé les citoyens à développer une volonté à créer une forme d’expression par laquelle leurs actions indépendantes et coordonnées, pourront être des solutions aux problèmes auxquelles ils font face.
Dans ce sens, Le Professeur Gilles Paquet
définit la gouvernance comme un ensemble de « précautions auxiliaires[1]
» que les acteurs sociaux adoptent pour se prémunir des comportements abusifs
de l’État prédateur. Dans cette perspective, on peut comprendre la nécessité
pour les populations de participer à la vie politique du pays qui se fait ressentir
sur le continent. L’action citoyenne des lors se dessine peu à peu où la faible
capacité des populations pauvres constitutives des communautés marginalisées
prévalait. Elle apparaît être un tremplin pour ces populations qui aspirent à se
projeter dans la réalité du terrain sociopolitique pour au mieux assumer les
rôles et fonctions qui leur reviennent de droit pour la réalisation de leur
épanouissement. Aujourd’hui il est clair que l’apport du citoyen est indéniable
dans la gouvernance nationale et internationale.
Cette
propension des africains à vouloir de plus en plus participer au jeu politique traduit
une volonté croissante d’une jeunesse à participer au processus de prise de
décision. Même si elle est encore timide, il faut reconnaître que cette
croissance est significative en Afrique. Ainsi, le mouvement sénégalais
« Y’en a marre » né en 2011 dans un contexte de « Printemps
Arabe » de révolution populaire des tunisiens et la révolution des jeunes
burkinabés du « Balai citoyen » qui a conduit à la destitution du
président Blaise Compaoré en 2014, sont des illustrations d’une jeunesse
africaine résolue à prendre la chose politique et sociale à cœur.
Ce qui rend
l’action citoyenne en Afrique intéressante et particulière, c’est qu’elle ne se
limite pas au jeu politique et aux calculs stratégiques pour la démocratie. Elle
revêt une forte dose de sensibilisations et d’actions pour améliorer le milieu
d’habitation et le niveau de vie des populations pauvres. C’est dans cette
optique qu’en 2015, face à l’inaction du gouvernement, des Tunisiens ont décidé
d’améliorer leur environnement en mobilisant des groupes de personnes sur
Facebook avec l’objectif d’apporter des solutions au problème de déchets. Ils
se sont chargés de nettoyer les rues et de recueillir les animaux errants, de
sensibiliser sur les dangers des constructions anarchiques, de protéger le patrimoine
architectural. Aujourd’hui ce groupe Facebook compte plus de 10 000 adhérents
avec pour objectif d’essayer de « changer les comportements » et organise des
journées nationales d’action citoyenne avec plantation d’arbres et nettoyage
des rues.
En outre,
depuis février 2018, les populations marocaines via un mouvement civil et
indépendant boycottent les produits des entreprises étrangères et des
multinationales privées qui monopolisent le marché national tout en imposant
des normes et des prix des produits à leur guise. Ce que je trouve particulièrement
marquant, c’est que ce boycott citoyen s’exprime par une protestation de 42% de
la classe moyenne marocaine et prend une ampleur progressive. Ce boycott
historique a pour but la protestation contre la vie chère, l’amélioration de
redistribution des richesses nationales accaparées par une oligarchie
minoritaire, une meilleure justice sociale, une augmentation des salaires et
l’augmentation des budgets sociaux et environnementaux.
Aujourd’hui
donc, la société civile et les citoyens africains dans l’espace public
sociopolitique doivent d’exercer davantage à une surveillance et un contrôle
plus rapprochés des actions des acteurs (Administration, État, Parlement) supposés
travailler pour l’intérêt général. « Cette
nécessité s’accroît encore plus dans le cas des pays pauvres où le manque de
ressources augmente la pression sur celles qui existent ».
Dans une
perspective corporative, ces mouvements qui prennent corps dans les capitales
africaines doivent davantage se constituer en formation civile organisée
portant sans cesse les revendications du bas peuple à l’élite dirigeante en
veillant sur la portée des politiques menées par cette dernière tout en
éduquant les citoyens sur leurs devoirs et leurs droits surtout dans la
promotion de l’intérêt général et la cohésion sociale. Ceci dans le but de
subjuguer les velléités séparatistes et de divisions. Si ce désir des citoyens
à participer à la gouvernance locale, ne trouve pas bon échos auprès des
autorités compétentes de façon adéquate, il peut devenir la cause de nombreux
conflits. D’où la nécessité pour les autorités centrales d’accélérer le
processus de décentralisation pour un développement local accéléré.
Toutefois, l’action citoyenne en Afrique ne devra pas se limiter au monde virtuel des réseaux sociaux et à des discussions théoriques sur la meilleure manière de gouverner nos pays.
Elle doit davantage se concrétiser par des actes engagés et
patriotiques qui contribueront à renforcer l’intégrité nationale et régionale, à
promouvoir la cohésion nationale et la justice sociale, à assurer la
préservation de l’environnement et la redistribution équitable des richesses,
et à garantir la bonne gouvernance en participant aux élections par
l’inscription sur les listes électorales pour faire un choix objectif par le
vote. Également, il revient à chaque africain internaute ou non de s’engager à
poser des actes citoyennes pour lutter contre la désinformation « fake news » qui tendent à tenir
l’image du continent mais plutôt d’être des relais entre les populations
pauvres et l’État engagé au service du peuple.
Encore faudrait-il
que les agents de l’État s’engagent sur le chemin de la transparence, du
service communautaire et de la démocratie participative donnant un poids à
l’avis de chaque administré.
[1] Paquet
Gilles, La gouvernance en tant que précautions auxiliaires. Centre
d’études en gouvernance, Université d’Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa,
2000. 19p.
C'est remarquable cette observation et je partage très bien la solution proposée.
RépondreSupprimerBien le Merci.
Supprimer👌perfect.
RépondreSupprimerI totally agree with you.
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Thank you. I hope that it would contribute to ameliorate the society.
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