Souvenir de mon camarade de classe : Vaccin vs poliovirus, enjeu de développement en Afrique
On a tous des souvenirs d’enfance enfouis au plus profond de notre subconscient qui jaillissent parfois à l’écoute d’un récit quelconque ou face à une image renvoyant à une réalité vécue. Quand ce souvenir jaillit brusquement dans notre esprit, il suffit de quelques secondes pour que notre conscience reconstitue ce passé souvent lointain de manière progressive, nous submergeant dans un flot d’émotions et de sensations agréables ou désagréables en fonction des circonstances.
Si vous avez déjà été dans cet état d’esprit, c’est que vous pouvez comprendre ce qui m’est arrivé il y’a quelques jours durant une séance de briefing et de sensibilisation sur l’importance des journées locales de vaccination. Durant l’exposé, plus les minutes passaient, plus fort le souvenir de l’histoire d’un camarade d’enfance inondait mon esprit. Un camarade contraint d’interrompre son année scolaire car paralysé, contraint de laisser ses camarades avec qui il gambadait dans les rues, contraint de renoncer au jeu de course poursuite qui animait nos recréations.
Je me souviens de ma maitresse qui, en nous annonçant le départ de notre camarade, nous rappelait l’importance de se faire vacciner contre la poliomyélite, cette maladie dangereuse qui privait plusieurs bébés du bonheur de l’usage des jambes (dans les années 1980, la poliomyélite touchait environ 350 000 personnes par an).
Plusieurs années plus tard, en écoutant la présentation de la situation nationale sur cette épidémie, J’essaye d’imaginer la vie actuelle
de mon camarade du primaire. J’essaye d'imaginer son
sentiment vis-à-vis de ses parents qui n’ont pas eu la présence d’esprit de le
faire vacciner soit par ignorance soit par entêtement. J’essaye de visualiser
sa réaction en lisant sur les réseaux sociaux les élucubrations des apôtres du
chaos et les prophètes de la théorie du complot rafistolant des lambeaux
d’histoires recoupés ici et là sans connexion logique et essayant de démontrer que
les vaccins font partie d’une stratégie secrète d’extermination de la race noire.
Pourtant depuis plusieurs années, la réalité est tout autre :
il est estimé à environ 3 millions de vies sauvées chaque année dans le monde à
cause des vaccins[1] Ils sont un
élément important pour le développement des populations en Afrique.
Le vaccin comme vecteur de développement en Afrique.
« Un vaccin est une préparation administrée pour provoquer l’immunité contre une maladie en stimulant la production d’anticorps. »[2] Il est administré chez une personne saine soit par voie injectable, soit par voie orale ou par pulvérisation nasale.
Selon l'OMS, la vaccination est l’une des interventions
sanitaires les plus efficaces et les plus économiques. En effet, les vaccins
offrent plusieurs avantages tant sur le plan individuel que sur le plan
sociétal : Ils accordent un bénéfice individuel en immunisant le corps
humain contre les effets pathogènes des maladies infectieuses. Pour la société,
les vaccins assurent un bénéfice pour la santé publique en limitant la
propagation des maladies infectieuses. Par ailleurs, la vaccination comme moyen
de prévention collectif, réduit considérablement les frais médicaux et les
frais alloués pour la lutte contre les infections. Une étude menée par l’Université
Johns Hopkins démontre que « Chaque dollar investi dans la vaccination
permet d’économiser 21 dollars sur les frais de santé et sur la perte de revenu
et de productivité liée à la maladie »[3]
En Afrique sub-saharienne, l’expérience de ces
dernières décennies a montré qu’il n’y a pas de développement économique possible
sans l’amélioration des conditions de santé surtout en ce qui concerne les enfants
pour qui les maladies transmissibles étaient responsables de plus de 60% de
décès dans les années 1970-1980. De ce fait, la vaccination est une simple
intervention de santé dont les impacts économiques sont assez importants. D’où
la nécessité de mettre tout en œuvre pour perpétuer des campagnes de
vaccination.
« Ensemble luttons contre la poliomyélite au Cameroun»
Si en Juin 2020, le
Cameroun a été déclaré «pays libre du
poliovirus sauvage » et que l’incidence mondiale de la poliomyélite
est réduite à 99%, il est important de préciser qu’on n’est pas à l’abri du
danger imminent. Les efforts doivent davantage s’intensifier sur le terrain
dans le but d’éliminer toutes les autres formes de poliovirus qui peuvent être
des dérivés du poliovirus sauvage. En d’autres termes, on n’est pas totalement
épargner d’une résurgence d’un autre type de poliovirus surtout que la
couverture vaccinale nationale reste assez faible et insuffisante. Le cas du
Nigeria est assez révélateur de la nécessité d’intensifier les campagnes de
vaccination; Déclaré par l’OMS «indemne
de poliomyélite» en 2015, le Nigeria s’est vu obligé d’initier une nouvelle
réponse d’urgence suite à la détection de deux enfants paralysés par le
poliovirus en 2016.
Campagne de lutte contre la Poliomyélite au Cameroun, #ABCPolioFree #PEVCentre |
De ce fait, l’éradication totale de toutes les formes de poliovirus suppose la collaboration des populations lors des campagnes de vaccination. A défaut, le risque de contamination s’agrandira. Si plusieurs personnes ne perçoivent pas la nécessité d’administrer le vaccin à leurs enfants en raison d’un manque d’information ou de la désinformation croissante, il nous revient, à chaque individu de jouer le rôle de sensibilisation pour éviter l’irréparable car « un enfant paralysé devient une charge pour sa famille, sa communauté et son pays et par conséquent un frein pour le développement de nos Etats.
Récemment au Cameroun, la pandémie du Covid-19 et la rapide
propagation des messages erronés sur les réseaux sociaux provoquant une faible
fréquentation des centres de santé et une méfiance accrue des populations et n’ont
pas facilité la lutte contre la poliomyélite. Pour limiter au maximum le risque
d’infection, des campagnes de proximité sur le terrain sont entrain d’être
menées, c’est donc à chacun de nous de jouer sa partition pour l’épanouissement
de nos enfants, pour l’épanouissement de leurs camarades et pour la construction d'un héritage serein sans poliovirus pour les générations futures.
[1] INSERM. L’action du vaccin, dépendante de son mode
d’administration : nouvelles pistes. http://www.inserm.fr/layout/set/print/espace-journalistes/l-action-du-vaccin-dependante-de-son-mode-d-administration-nouvelles-pistes
[3]Source : Université Johns Hopkins 2019, https://www.gavi.org/fr/programmes-et-impact/notre-impact/faits-et-chiffres
[4]Source : Constenla et al. Estimating the
economic impact of vaccinations in 73 resource-constrained countries, 2001–2030
Commentaires
Enregistrer un commentaire