Gouvernance en Afrique et gestion du Coronavirus Covid-19
La propagation du Covid-19 en Afrique remet la lumière sur le mode de gouvernance limité des Etats africains encore dépendants des conjonctures exogènes. Cette crise offre une opportunité aux politiques de reconfigurer de manière structurelle et stratégique la gouvernance au niveau national et international.
Il y’a de cela une semaine, je prenais l’initiative de me rendre au marché pour faire les courses du mois question de me ravitailler des denrées alimentaires manquantes. Grande fut ma surprise au marché de me rendre compte que les prix de certains produits avaient drastiquement augmenté. Le sac de 25 kg de riz qui coûtait 11 000 francs CFA était passé à 19500 francs CFA. La raison avancée était celle de la crise sanitaire liée à la propagation du virus Covid-19, forçant la Chine à suspendre ses exportations et à fermer ses frontières. Malgré la multiplication des initiatives gouvernementales pour rassurer les populations sur les mesures de contrôle et de régulation des prix des denrées alimentaires, la hausse des prix de manière arbitraire continue à être fait.
De façon inédite, si cette pandémie continue à faire des ravages en Occident et en Asie, l’Afrique demeure marginalement touché. Cependant, la fragilité du système sanitaire, la légère configuration de la vie socio-économique et la fragile cohésion sociale des États africains encore dépendants des conjonctures et actions exogènes, pourront subir de manière irréversible les répercussions de la pandémie du Coronavirus. Ce virus venu d’ailleurs met en lumière les différentes limites de la gouvernance en Afrique dans l’élaboration et mise en œuvre des politiques publiques et des actions sur l’espace régionale. Les présenter, revient à mener une réflexion profonde sur la définition d’un nouveau cadre stratégique pour prévenir, intervenir et contrôler les futures menaces à la sécurité nationale.
I- État de lieu sanitaire et socio-économique des États africains lors de la propagation du virus Covid-19
Dans son discours aux français du 16 Mars 2020, le président Emmanuel Macron déclarait que « nous sommes en guerre » contre la pandémie du coronavirus qui est aujourd’hui considérée comme la principale menace à la sécurité internationale. Avec plus de 723 328 cas confirmés positifs dans le monde et plus de 34 000 morts enregistrés, le coronavirus Covid-19 apparut la première fois en Novembre 2019 en Wuhan (Chine). C'est une maladie infectieuse virale provoqué par le SARS-CoV-2 qui attaque les voies respiratoires, se transmet très rapidement entre humains ou en contact avec une surface contaminée et de traitement certifié n'est pas encore confirmé. En tant que pandémie, le covid-19 est un enjeu d’intérêt mondial dépassant le cadre des États. Dans un contexte où les rivalités géostratégiques entre puissances ont occulté les valeurs liées à la solidarité internationale et face à l’impréparation des gouvernants, les conséquences de la propagation de ce virus pourront être lourdes pour les États africains si des mesures prises ne sont pas suivies d’actions d’accompagnements ou si celles-ci sont appliquées à la légère.
- Fragilité du système sanitaire en Afrique et gestion du Covid-19
La sécurité sanitaire peut se définir comme l’ensemble de décisions, politiques, actions à mettre en œuvre dans le but de protéger les populations contre toute forme de menace ou danger pour leur santé. Il s’agit de mesures de renforcement des capacités de l’État pour assurer les veilles d’urgence sanitaire et d’évaluer les potentiels risques d’enjeu d’intérêt général. Pour se faire, il revient aux autorités gouvernementales de prendre des dispositions normatives, juridiques, scientifiques, financières, matérielles et opérationnelles pour assurer la vulgarisation des bonnes pratiques de santé, prévenir, anticiper et intervenir face aux risques majeur d’épidémies ou de pandémies.
Malgré le fait qu’en Afrique, le nombre de décès causé par le coronavirus est assez bas[1] L’OMS craint que le continent noir ne soit capable de lutter efficacement contre cette pandémie. En effet, le système sanitaire dans la plupart des pays africains subsahariens est défaillant et à bout de souffler avec la gestion des maladies telles que le choléra, le paludisme, la typhoïde le sida et les AVC. Autant de facteurs peuvent expliquer ces défaillances.
L’inégal accès aux services de santé du fait de l’état de précarité dans lequel vivent les populations avec une espérance de vie moyenne de 53 ans. Les soins de santé, les médicaments ou les traitements efficaces se révèlent parfois très chers et ne sont pas à la portée du citoyen moyen.
La qualité des services reste à prouver dû à l’insuffisance du personnel médical ayant reçu une formation de qualité. Selon une étude menée en 2018 en Afrique subsaharienne[2], en moyenne 39% des budgets consacrés à la santé sont destinés pour l’achat des médicaments, 14% sont dédiées aux infrastructures et 7% seulement sont accordés au personnel médical. Pourtant dans les pays dont le système de santé est plus performant, plus de 40% sont investis sur le personnel et sur la recherche tandis que 33% sont destinés aux infrastructures. Au Cameroun, il est estimé à environ 3 établissements de santé et 2 médecins pour 10 000 patients. Pour lutter contre le Covid-19, c’est pour pallier à ces insuffisances que l’ONU a pris l’initiative de procéder aux recrutements des volontaires médecins et infirmiers dans plusieurs pays africains.
Les ressources financières limitées dont disposent les ministères en charge de la santé ne favorisent pas l’apport de réponses rapides aux urgences sanitaires émergentes. Au Nigeria avec environ 200 millions d’habitants, le budget national alloué à la santé est moins de 5% par exemple. Ce manquement de financement ou des faibles budgets accordés par l’État entraînent inévitablement l’absence d’infrastructures médicales de pointe et des centres de dépistage. Avec la situation actuelle du coronavirus, un pays comme le Nigeria dispose de moins de 250 lits de réanimation. La majorité de pays africains dispose de très peu de kits réactifs de dépistage, du matériel médical de protection et des lits de réanimation. Dans la lutte contre le covid-19, très peu d’hôpitaux disposent des stocks suffisants de masques et gants nécessaires pour protéger le personnel soignant contre la propagation du virus tandis que dans les pharmacies, les prix de ces masques ont drastiquement augmenté depuis le début de la crise sanitaire.
Ces enjeux sanitaires qui accompagnent la rapide propagation du virus Covid-19, imposent aux autorités gouvernementales l’impératif d’utiliser des ressources financières importantes pour l’implémentation des mesures d’urgence de lutte contre cette pandémie. Le budget de la santé publique au Cameroun par exemple, qui s’élève à 213 651 milliards de francs CFA (5%)[3] pourrait s’avérer largement insuffisant, d’où la nécessité de prélever une partie de fonds dans les budgets prévus pour les secteurs à priorité moindre pour apporter des réponses rapides et efficaces contre la pandémie.
Cependant face à ces insuffisances des systèmes de santé, il est observé que la propagation du virus Covid-19 se fait rapidement principalement à cause de la négligence des mesures d’hygiène de vie et de salubrité par les populations. Dans cette logique que dans presque tous les pays touchés par cette pandémie, les autorités adoptent des actions de sensibilisation sur les bonnes pratiques sanitaires à respecter pour limiter l’impact du coronavirus. Pour que ces mesures marchent, il faudrait une implication responsable des populations et une coopération avec les structures sanitaires. Pour se faire, il est important de davantage miser sur la multiplication des campagnes de proximité de sensibilisation sur le terrain et sur les plateformes numériques et digitales de manière transparente et spontanée pour éviter la circulation des fake news qui créent la psychose et induisent les populations à adopter des mesures déconseillées d’automédication.
Mesures d’hygiène à adopter pour prévenir la contagion au virus Covid-19 |
Par ailleurs, depuis qu’il a été affirmé que la chloroquine pourrait être utilisée comme traitement contre le covid-19, malgré le fait que les résultats des essais cliniques ne sont pas encore connus, elle est déjà presque introuvable dans les pharmacies car plusieurs personnes se ravitaillent de ce médicament pour des buts préventifs. Cette pénurie donne une opportunité aux « pharmacies de poteaux » de proposer des comprimés contrefaits de chloroquine venus de Chine ou d’Inde n’obéissant à aucun protocole de conditionnement. Selon l’OMS, 42% des médicaments contrefaits circulent en Afrique. Avec cette précipitation des populations face au Covid-19, si rien n’est fait, il ne tardera de voir émerger les prochains jours de patients enregistrant des problèmes cardio-vasculaires, des troubles digestifs et d’intoxication liés à l’automédication.
- Enjeux socio-économiques de la propagation du Covid-19 en Afrique
Des la propagation du virus dans plusieurs pays, l’OCDE a revu ses prédictions statistiques et a affirmé que la croissance mondiale pourrait passer de 2,9 à 2,4% ou moins en 2020. L’Afrique risque d’être le continent le plus concerné par cette baisse du taux de croissance.
Même si des pays comme le Cameroun ont maintenu les frontières ouvertes uniquement pour les exportations et les importations commerciales des denrées alimentaires, la pandémie du coronavirus a provoqué le ralentissement des activités économiques dans presque tous les pays africains. Leurs relations commerciales avec la Chine[4] subissent un véritable coup de frein, créant des pénuries en produits alimentaires de première nécessité et par conséquent conduit à l’inflation des prix dans les marchés africains. En plus de cela, la psychose des populations a provoqué une ruée dans les marchés et supermarchés, rendant les produits alimentaires de plus en plus rares. Au Cameroun, force est de constater une augmentation de prix de plusieurs produits alimentaires malgré le fait que le ministre du commerce se voulait être rassurant sur la disponibilité des stocks en grande quantité (stocks de riz, sucre, huiles végétales en réserve pour au moins 4 mois). En Coté d’Ivoire les autorités ont annoncé avoir les réserves de denrées alimentaires d’au mois 7 mois (riz, tomates, sucre et viande). L’Algérie a récemment augmenté son stock en réserve tandis qu’au Rwanda, les prix maximum de chaque produit à ne pas franchir ont été fixés par les autorités gouvernementales.
Avec cette crise sanitaire, il est enregistré la chute du chiffres d’affaires de plusieurs entreprises privées s’accompagnant de la perte d’emplois de millions de travailleurs. Le secteur informel constitutif d’approximativement 70% des économies nationales africaines est aujourd’hui ébranlé par la pandémie. Les start-ups, les PME et les GIC menacent de fermer provoquant une cessation d’activités dans plusieurs secteurs des économies notamment le secteur du tourisme qui est touché à plus de 95% dans plusieurs pays africain. Ce secteur apportait au continent plus de 35 millions d’euros par an. Le Maroc étant la première destination touristique en Afrique avec plus de 12 millions de touristes par an, verra son économie fortement impacté autant que le Benin et le Cap Vert qui ont fait du tourisme un levier principal de leur développement. Le Cameroun risque de perdre sur ses revenus liés au tourisme et aux exportations 4,1% du PIB nationale.[5]
En outre, l’une des conséquences directes de la propagation du virus covid-19 est la chute du prix de pétrole quittant de 60 dollars le baril en mi-février à environ 27 dollars aujourd’hui. Même si le rythme de production de l’or noir dans les pays africains exportateurs est maintenu, la demande mondiale a considérablement chuté[6]. Dans la plupart des économies africaines dépendantes de l’exportation des hydrocarbures, les recettes publiques sont sérieusement éprouvées. La tendance ces jours dans une ville comme Yaoundé est celle de la hausse du tarif du transport interurbain liée à la hausse des prix de l’essence à la pompe et à la mesure interdisant plus de trois passagers par véhicule.
Cependant, cette crise sanitaire devrait permettre de mettre un accent particulier sur la production locale. Au vu de la dépendance des Etats africains, l'occasion nous est donné de miser davantage sur l'entrepreneuriat et les investissements nationaux. Il est d'une nécessité impérieuse d'accorder des subventions et des mesures d'accompagnement techniques, organisationnels et financiers aux entreprises nationales. Bien que des efforts sont déjà fait dans ce sens dans plusieurs pays africains, il est capital d'y accorder plus d'attention et de budgets pour permettre un état d'auto-suffisance.
- Covid-19 : Accroissement de la délinquance en milieu urbain et danger pour la sécurité humaine
Le ralentissement des activités économiques, l’oisiveté et l’accroissement rapide du taux de chômage dans plusieurs zones à forte densité ont causé une évolution graduelle du taux d’insécurité dans les quartiers populeux. En moins d’une semaine, il a été enregistré 3 cas d’agression physique dans un quartier de la capitale du Cameroun. La pandémie du Covid-19 et le suivi limité des mesures prises pourront conduire à l’émergence des troubles sociaux d’insécurité, la contestation des consignes de sécurité, pillages, accroissement de la délinquance. En Afrique du Sud, les autorités ont adopté une mesure interdisant la commercialisation de l’alcool et des cigarettes pour limiter les violences dans les ménages lors de la période de confinement imposée.
Les répercussions de cette crise sanitaire remettent en cause de manière structurelle et conjoncturelle les fondements des politiques publiques tant sur la scène nationale et continentale. Quoique les effets négatifs soient déjà perceptibles, cette crise offre aussi une opportunité à saisir pour les États africains d’évaluer les fondements et la portée de leurs politiques et actions afin de redéfinir les objectifs et les stratégies à adopter pour l’intérêt commun des populations africaines qui sortiront de cette épreuve encore plus fortes.
[1] A ce jour, 146 morts avec une estimation de plus de 4760 personnes contaminées (environ 335 cas guéris) dans 46 pays.
[2]https://reliefweb.int/report/world/etat-de-la-sante-region-africaine-de-loms-analyse-de-la-situation-sanitaire-des
[3] Loi des finances 2020, Cameroun
[4] 30% des produits importés de Chine sont des biens de consommation. Une grande partie des produits consommés en Afrique vient de la Chine.
[5] Consulter https://www.investiraucameroun.com/sante/1803-14213-coronavirus-une-tempete-s-annonce-sur-l-economie-camerounaise-apres-les-mesures-radicales-prises-par-le-gouvernement
[6] Il est estimé à plus de 65 milliards de dollars de perte de revenus pour le 1er trimestre 2020 pour les pays africains exportateurs de pétrole. De ce fait les finances publiques seront sérieusement affectées avec pour conséquence la décroissance du PIB moyen du continent à 50%. Selon la Secrétaire exécutive de la CEA Vera Songwe, le taux de croissance du PIB moyen africain pourra passer de 3,2% à moins de 2%.
Thank you for the education sir
RépondreSupprimerYou are welcome my dear
RépondreSupprimerMerci dodo très édifiant
RépondreSupprimerMerci à vous de toujours me lire
SupprimerMerci mon cher do tres illustratif
RépondreSupprimer, on peut même aller plus loin la deterioration des rapports bilateraux entre le cameroun et certains pays amis
Effectivement. C'est un état de lieu à tenir en compte dans la politique étrangère du Cameroun. Cette crise du coronavirus peut servir à rétablir des liens cordiaux et de solidarité qui se sont un tout petit peu détériorés au sein de la CEMAC.
Supprimerce virus venu d'ailleurs comme tu dis ne met pas en lumière les limittes mais bien l'inexistence d'un quelconque mode objectif de gouvernance au cameroun que je connais... navigation à vue...sous l'aile de la bonne fortune...
RépondreSupprimerMerci pour votre intervention.
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